Lorsque Odile me parle de son travail sur les icônes, elle évoque le terme de modernité. Car cette nouvelle technique
apprise il y a quelques années vient compléter une solide recherche picturale contemporaine.
La création de l’icône, célébration de foi
La peinture d’une icône est pour Odile Bonfort de Laidet le « lieu » symbolique de célébration de sa foi. Le support
de bois, matériau noble par excellence, est choisi en fonction du jeu de veines qu’il offre. Ces veines dessinées sur un calque préfigurent le mouvement de l’icône. L’irrégularité de l’aubier
participe également à l’expression de l’œuvre en offrant ses courbes à la tendresse de l’image.
Odile est proche de la nature. C’est dans les infractuosités d’un rocher ou dans les plis d’une écorce qu’elle puise
l’imaginaire d’une forme sacrée : une tête de Christ, une madone…
Pour Odile, Dieu est présent partout, dans le ténu et l’improbable.
« Préparer la face du bois »
C’est l’expression d’Odile pour exprimer le lent et patient travail de préparation du support qui va recevoir,
accueillir, l’or et les pigments.
La paume de la main lisse le « levka », cette pâte onctueuse faite de craie et de colle. Couche après couche,
respectant le séchage nécessaire entre deux., Odile va patiner son support.
Elle s’approprie ainsi cette surface vierge et veloutée. Dans l’ambiance nocturne de son atelier elle s’imprègne de
ce silence intérieur que la création d’une icône suscite.
Le dessin sur calque est ensuite reporté sur la surface patinée du bois. Les veines du tilleul, du châtaigner ou du
noyer réapparaissent. Le choix de l‘emplacement de l’or déterminera l’ordre général des couleurs.
En quête de lumière
La feuille d’or a besoin d’une « assiette » pour exalter sa lumière. Il s’agit pour le peintre d’imprégner le levka
de plusieurs sous couches de couleur, généralement ocre rouge ou bleue mélangée à du jaune d’œuf. Odile utilise l’or ou l’argent dans ses icônes pour intemporaliser la
représentation. Le va et vient entre l’ombre et la lumière se fait à l’intuition. Odile sort volontiers des codes traditionnels et la lumière « qui vient du fond » l’intéresse tout autant que celle
des précieux métaux.
La conception moderne des icônes se distingue par la nature géométrisée des courbes et des entrelacs. Les postures et
les ambiances sont ainsi suggérées plutôt que dites. L’imaginaire y trouve son compte.
L’œuvre du temps
A travers toutes les patientes préparations, les périodes de séchage nécessaires, le temps s’installe dans sa sereine
tranquillité. « J’ai besoin de tout ce temps pour entrer en communion avec mon oeuvre » nous confie Odile.
Le sentiment d’être hors du temps creuse en elle l’espace intime dont l’image sacrée se nourrit pour nourrir à son
tour.
Madone et Vierge Noire
« La Vierge et l’Enfant me relie à mes maternités. Cette continuité du monde dans l’enfantement m’émeut profondément
»
Odile, mère de deux garçons vit et travaille dans son atelier de La Lusignane à Caderousse depuis une vingtaine
d’années. Son amour pour les Vierges Noires est lié aux Saintes Maries de la Mer, village d’eau et de femmes sacrées.
Il y a comme une progression significative dans les gestes de ses premières Madones : la Mère tient son enfant contre
son sein, enroulé dans la même chair. Puis contre son flanc et enfin tendu à bout de bras au dessus d’elle, comme une offrande au ciel…L’artiste et la mère unies dans le même élan de
générosité.
L’icône, travail spirituel
L’or de l’icône est comme l’or de l’âme, il a besoin d’un espace consacré pour se déposer. L’oeuvre fervente d’Odile
plonge ses racines dans cet espace intime. Il en jaillit de la lumière. De cette lumière secrète qui habite les chapelles et parle de Dieu.
Au bout de ses poils de martre, le pinceau irrigue chaque veine d’une couleur qui en appelle une autre. Jusqu’à ce
qu’enfin se tisse patiemment le voile d’une Vierge, la tunique d’un Christ ou les branches d’un Buisson Ardent….
Par Joêlle RICOL